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Geneviève Des Rosiers

BLOGUE : LES MÉSENDRES D'UNE OSTÉO

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  • Geneviève Des Rosiers D.O.

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Dernière mise à jour : 15 janv.

J’ai 16 ans et je me considère comme une athlète de haut niveau, je suis une Patineuse Artistique ! Sans la douance naturelle de mes confrères, je développe une intimité particulière avec la glace en y frottant, cognant, glissant mes grosses fesses musclées à chaque instant. Vous savez, la grâce de la patineuse est un moment magique qui n’arrive que très rarement. Le patinage c’est un sport de combat qui se pratique en bas nylon dans un froid glacial. Je passe 6 h par jour à tourner en rond, sauter, pour retomber, tournoyer, m’étirer, m’essouffler jusqu’au soir où, plongée dans un bain de glace, j’essaie de faire fi de mes douleurs en me racontant les mêmes mensonges en boucle : demain sera différent, je vais sauter sans retomber !

Un jour mon corps finit par se déboîter, mon genou gauche sortit de son socle lors de l’atterrissage forcé et raté d’un double axel. Crapoute, mes bas nylon collés à la glace, sous le regard de mes acolytes, ma carrière olympique était anéantie ; j’ai 16 ans, je suis immobilisée au sol dans une douleur effroyable et je comprends que je n’ai aucun autre plan pour mon avenir que de tourner en rond sur cette eau glacée. Entraînée à toujours me relever, je sortis de la glace debout. La physiothérapeute fut claire :


– Avec un genou comme ça, tu ne retournes pas sur la glace, ma belle.


Rebelle, juste à point, six semaines plus tard me voilà déjà à exécuter une figure majestueuse d’ouverture de hanches, pour me laisser glisser de tout mon être en équilibre sur le quart de mes lames et flarkkk ! C’est le bruit de mon genou droit lorsque son ligament latéral interne flancha. Allongée, la face dans la glace et la mini-jupe sous le bras, je compris que là, vraiment, mon conte de fées venait d’être rebaptisé : « Dernier épisode pour la reine des glaces. »


J’ai dû passer dix années de mon enfance à tournoyer sans réfléchir et peut-être dix de plus à courir après la vie pour essayer d’y saisir quelque chose, chute après chute. Mais telle une Patineuse Artistique, je me couchais chaque soir en me promettant que demain serait différent me relever chaque matin pour retomber de nouveau. Puis un ami prononça ces mots très simples : « On est ce que l’on pense être. »


Je me suis mise à réfléchir à ce concept et effectivement lorsque l’on pose des actions dans la vie, quelque part nous déposons un vote en faveur de la personne que nous croyons être aujourd’hui. Et si je changeais la direction de mes actions, qui deviendrais-je ? Et si je portais encore l’identité de cette athlète au rêve déchu qui tourne en rond sans emprise sur son avenir ? Je répétais peut-être les mêmes comportements sans cesse, transposés dans un autre contexte certes, mais je tournais encore en rond à tomber et me relever en bas nylon ; j’avais juste troqué mes patins pour de beaux talons hauts et changé mes pirouettes.



Je me suis alors demandé qui j’aimerais devenir ? Pour y répondre, j’ai pris une feuille blanche pour y empiler mes valeurs dans une grande colonne à gauche et mes croyances à droite. Puis j’ai entamé le projet de classer mes valeurs par ordre d’importance et de questionner chacune de mes croyances afin de les actualiser… Venant d’un milieu familial où mes parents croyaient que les bonnes personnes se devaient de travailler jusqu’à ce que leur sueur coule, j’avoue être restée de longues minutes béante devant cette croyance : « La vie se gagne à coup d’effort et de sueur. » En jouant avec les mots, je me suis permis simplement de rendre à César ce qui lui revenait : « La mère donne la vie à coup d’effort et de sueur, moi je suis libre maintenant. »


Regardant, triant et choisissant une croyance et une valeur à la fois, j’arrivais à me concocter un menu sur mesure pour me sculpter ce nouveau moi. À cet instant précis, j’étais la personne de mon choix pour la première fois dans ma vie. Par la suite, chaque action était précédée par : « Est-ce que ce nouveau moi ferait ce choix ? » ou « Suis-je avec les gens que mon nouveau moi mérite ? » Essoufflant ? Certes, mais ce fut l’une des périodes les plus stimulante et amusante de mon parcours. Avec le temps, j’ai choisi pour cet avatar une identité et des projets d’avenir.

Sournoisement, j’intégrais le piano dans ma vie, car ma nouvelle moi était une artiste, je sortais chaque matin pour courir, afin de sculpter ce nouveau corps qui se voulait athlétique et chaque soir était désormais consacré à la lecture afin d’honorer l’intelligence de ce double. Un soir, après ma lecture et ma pratique quotidienne du piano, je m’endormis sans promesse pour me réveiller sans attente. En prenant le plus grand soin de cet avatar, l’écart qui nous séparait initialement avait disparu en tapinois. Remise à jour, j’avais commencé ma nouvelle vie sans trop m’en rendre compte.

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