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Geneviève Des Rosiers

BLOGUE : LES MÉSENDRES D'UNE OSTÉO

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  • Geneviève Des Rosiers D.O.

La chasse aux sorcières

Dernière mise à jour : 31 juil. 2022

L’histoire de ma famille se déroule à Petite-Rivière-St-François, un modeste village de la belle région de Charlevoix qui, à l’époque de mes grands-parents, dessinait une petite ligne de maisons enclavées entre le fleuve et la montagne aujourd’hui devenue un prestigieux domaine de ski : le Massif. Mais reculons cent ans en arrière où les habitants vivaient en complète codépendance entre les forces des vents, des moteurs de leurs navires nourriciers et dépendant des richesses provenant des bois. Ces bons croyants de l’époque étaient marins, bûcherons, gouvernantes, cuisinières et enfants. Tous laissaient s’écouler le temps en tentant de se gagner une place au Ciel en oscillant entre la mer, la montagne, la maison et la petite chapelle du village.


Déjà, petite, je questionnais mes proches sur l’origine de notre famille, savoir d’où je viens semblait pour moi essentiel afin de comprendre où j’allais. Dès mon enfance, en toute discrétion, on me racontait la légende familiale à mots bas, car mon histoire était porteuse de la honte engendrée par la peur des représailles du pouvoir de l’époque : les curés.


On parle ici d’un village oppressé par le dogmatisme de la religion catholique qui était en plein essor au Québec comme dans bien d’autres villages ruraux de cette époque. La pauvreté et la soumission des habitants laissaient une grande place au paraître qui prenait alors ses aises moussant « La Vérité » proposée par les représentants officiels du Seigneur.


Ma Grand-mère était une femme forte forgée par cette époque mais qui avait su garder sa liberté. Femme de marin prospère, elle profitait de ses escapades en ville afin de rapporter clandestinement des pilules contraceptives à ses sœurs, leur redonnant ainsi un pouvoir de choix face à ces grossesses imposées : soit un enfant aux deux ans, sinon le quota divin en souffrira ! Aujourd’hui, à 98 ans, elle est encore debout, autonome et belle.


Mon arrière-grand-père, pour sa part, tenait le magasin général du village et pour fin de commerce séjournait régulièrement dans la montagne afin de faire la traite des fourrures avec les « Sauvages ». Un jour, il revint avec un bébé blotti dans des peaux de castors. Mon bébé-grand-père, futur époux de ma grand-mère, venait d’arriver au village. L’absence de poils mettait en valeur le teint basané de sa peau et trahissait ses origines amérindiennes ; né dans les montagnes, élevé dans le village, mon petit-grand-père était pour les villageois un enfant porteur de la honte, motivant ainsi sa famille à cacher ses origines afin de garder la tête haute devant l’Église : bébé amérindien déraciné, baptisé, intégré et oublié !


En regardant les femmes de ma famille, enracinées, portant fièrement un nez crochi par le vent des montagnes et un regard vert mousse, je me questionne face à l’oppression que mon peuple a subi par le pouvoir en place. Il semblerait qu’il est souvent plus facile d’occulter la différence plutôt que de mettre l’effort à la comprendre.


Durant la répression des Amérindiens, de l’autre côté de l’océan, on brûlait des femmes un peu trop instruites pour leur époque, ces soignantes pratiquant une médecine différente et incomprise étaient trop fréquemment injustement condamnées à porter le chapeau de la sorcière. Nous sommes en 2022 et, malgré les milliards de sabliers qui ont laissé le temps s'écouler, je ressens encore trembler mes chairs en constatant que cette « chasse aux sorcières » est encore d’actualité.


Je porte en moi les racines de la différence, ce qui m’a guidée naturellement vers ma profession, une approche minoritaire en santé qui, au lieu de chercher la maladie dans le corps, se concentre vers les rouages préservant l’équilibre naturel de l’être, gage de sa santé.


Les années passent, mais se ressemblent. Comme plusieurs femmes de l’époque je me sens sous la menace d’un bûcher ; sorcière des temps modernes, je dois me résigner à me cacher et à me censurer afin de vous aider en toute sécurité. Je pratique discrètement ma profession avec la meilleure des intentions, mais la peur de la répression commence à me prendre par les gènes.


Saviez-vous que la menace de poursuites judiciaires est quotidienne pour nous ? Car, ici au Québec, le corps humain a été fragmenté en morceaux puis redistribué, sous la juridiction médicale, à divers spécialistes qui ne possèdent qu’un droit d’action restreint sur une petite partie quadrillée de notre corps.


Si j’osais mobiliser une vertèbre, l’ordre des chiropraticiens me poursuivrait ; si je touchais à votre plancher pelvien ou que je vous proposais un exercice de réhabilitation, je serais dans la juridiction du physiothérapeute ; si je vous proposais un supplément, je me prendrais pour un pharmacien et si je dialoguais avec-vous alors, comble de prétention, j’offusquerais les psychologues. Dans ce mutisme, il ne me reste que mes mains pour vous rencontrer.


On me demande de censurer mes dossiers, remplaçant le mot "douleur" par "inconfort", car la souffrance n'appartient qu'aux médecins. Cette chasse gardée sémantique ne me permet d’offrir que des "soins" et non des "traitements", puisque ce mot à déjà un propriétaire et peut me conduire à ma perte. Je dois éviter de vous parler d’organes, car l’intérieur du corps, n'appartient qu'aux médecins ! Il est même surprenant qu’un "brevet" n’ait pas encore été déposé sur la mécanique du cœur afin d'imposer des redevances à chacun des citoyens pour son utilisation quotidienne.


Je choisis de protéger mes enfants plutôt que de m’exposer au bûcher moderne : les tribunaux. J’ai l’espoir qui commence à se fatiguer par toutes ces répressions qui me rappellent ces femmes instruites qui ont terminé leur carrière sur un bûcher.



À quand l’intégration des différentes visions et pratiques dans un concept de santé globale et l’arrêt des représailles ? Nous ne sommes pas votre ennemi, nous sommes là depuis des siècles à votre service, portant secours aux êtres qui se sont sentis mis de côté par la médecine moderne. Vous nous considérez à contre-courant, pourtant nous sommes votre complément. Votre médecine est basée sur des données probantes de la recherche moderne, ma pratique est basée sur une écoute des résultats cliniques et empiriques qui sera l’inspiration pour la recherche de demain. Pourtant, nous devrions nous comprendre puisque tous deux avons étudié en profondeur l’anatomie, la physiologie, l’embryologie et autres rouages de la mécanique humaine.


Vous ne nous comprenez pas, prenons le temps de nous écouter ; vous trouvez nos discours farfelus, trouvons un vocabulaire commun afin de se comprendre ; votre médecine est meilleure que la nôtre, eh bien « mon père est plus fort que le tien » !

Arrêtons !

Observez, questionnez, analysez pour progresser

Ge DR.

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